| 00- NATHALIE LORIERS . Le temps retrouvé - OUI !
| 01- PAUL JARRET . Ghost songs
| 02- DEJAN TERZIC AXIOM . Silent dancer
| 03- BEN GOLDBERG . Everything happens to me - OUI !
| 04- DUNE . Voyage au creux d’un arbre
| 05- DAHVEED BEHROZZI . Echos
| 06- FRANCOIS HOULE / SALO SALAMON . Unobservable mysteries
| 07- ANTHONY BRAXTON QUARTET . Standards 2020 - OUI !
| 08- PAUL LAY . Full solo
| 09- BOB MINTZER . Soundscapes
| 10- THOMAS CHAMPAGNE RANDOM HOUSE . Tide
| 11- GEORGES GERSHWIN . De Broadway au Metropolitan Opera
| 12- THIERRY ELIEZ . sur l’écran noir
| 13- LILANANDA JAZZ QUINTET . Phares
| 14- TROND KALLEVÅG . Fengselsfugl - OUI !
| 15- MASTERS & BARON MEETS BLANTON & WEBSTER
| 16- CERAMIC DOG . Hope
| 17- PIERANUNZI FONNESBAEK DUO . The real you
| 18- BAKER/SANTACRUZ/SILVANT . On how may suprising things did not this single crime depend ?
| 19- WEIRD BOX . Radio Paris - OUI !
| 20- PANAM PANIC . Love of humanity
| 21- ULTRA LIGHT BLAZER . Patience


  NATHALIE LORIERS . Le temps retrouvé

Igloo Records

Nathalie Loriers : piano
Tineke Postma : saxophones
Nic Thys : contrebasse

Retrouver Nathalie Loriers le temps d’un disque, c’est toujours un plaisir. Avec la saxophoniste néerlandaise Tineke Postma et le contrebassiste belge Nic Thys, elle propose un deuxième disque qui, comme le précédent, s’ancre dans l’éternité d’un jazz profond et aérien à la fois. Nous, nous avons tendance à séparer la musique en deux catégories : la musique de son époque et la musique de tous les temps. Celle de Nathalie Loriers appartient sans contestation aucune à la seconde. Et, dans ce disque, c’est tout un univers en soi où s’entremêlent son toucher délicat, le souffle inspiré du saxophone et la présence dense de la contrebasse. Dans l’expression pianistique, il arrive que les voicings evansien côtoient le souffle d’un blues discret, au service de mélodies méandreuses toujours teintées d’un lyrisme feutré dont l’incandescence est le plus souvent sous-jacente (mais pas seulement). Il ne fait cependant aucun doute que l’espace musical qu’elle occupe est sa propriété et qu’elle aime à la partager avec des musiciens complices. Ici l’intériorité expressive de la saxophoniste et chant souple du contrebassiste l’accompagnent dans la constitution d’un paysage aux reflets sonores évocateurs d’un état d’esprit comme seul le jazz peut en donner à écouter. Le jazz de Nathalie Loriers, c’est du vécu nourri d’humanité pur jus, de la chair qui laisse respirer son âme. Il est simplement nécessaire. C’est la raison pour laquelle on le préfère au jazz des tendances multiples et toujours passagères. Dans ce disque, c’est le peuple des silencieux qui vous parle ; et oui, ils sont vivants et vous offrent une bonne raison d’être h- - - - n.

Yves Dorison


Vous pouvez également lire l’article de Marc Criado sur ce disque ici :
https://www.culturejazz.fr/spip.php?article3681


https://www.nathalieloriers.com/


  PAUL JARRET . Ghost songs

Neuklang

Paul Jarret : guitare
Jim Black : batterie
Jozef Dumoulin : Fender rhodes, synthé basse
Julien pontvianne : saxophone ténor

Quand Paul Jarret rencontre en musique l’un de ses héros, l’américain largement reconnu Jim Black, auquel il ajoute le saxophone de Julien Pontvianne et le plus que talentueux claviériste belge Jozef Dumoulin, cela donne un quartet pointu navigant entre mélodies pop et expérimentations aventureuses. Les chansons fantômes du guitariste arpentent donc les territoires libres de l’improvisation en les balisant avec airs simples à retenir capables de demeurer dans la tête de l’auditeur malgré lui. L’ambiance générale est plutôt lourde et sombre, par moment quasi industrielle. Elle explore par une constante interaction entre les musiciens les résonances, fouille dans des creusets spectraux, flirte avec l’arythmie et expose des couleurs brutes qui rehaussent l’étrangeté des textures. C’est ce qu’il est convenu d’appeler du jazz alternatif dans lequel brillent la créativité du compositeur, la maturité luxuriante du batteur et les talents inspirés du saxophoniste et du claviériste. De la belle ouvrage qui trouvera à coup sûr son public.

Yves Dorison


https://www.pauljarret.com/


  DEJAN TERZIC AXIOM. Silent dancer

Camjazz Records

Chris Speed : saxophone ténor
Bojan Z : piano & Fender rhodes
Matt Penman : contrebasse
Dejan Terzic : batterie

Le batteur et leader Dejan Terzic vit en Allemagne mais est né à Banja Luka, dans l’actuelle Bosnie Herzégovine. Bojan Z est né à Belgrade et les deux autres musiciens viennent des États-Unis. Le deuxième disque de ce quartet international sort chez Camjazz, label italien. En ces temps de repli identitaire, c’est plutôt bienvenu. Quoi qu’il en soit, la musique du groupe se caractérise donc par une hybridation entre les formes musicales balkaniques et le jazz à proprement parler. Les thèmes proposés aiment à sortir régulièrement des rails de la convention ; le formel n’est pas dans l’Adn du quartet. Cela ne l’empêche pas de jouer des ballades a priori plus classiques, prises dans les mailles de l’introspection, malgré une approche parfaitement actuelle. Chacun des musiciens apporte sa science et son désir de jeu (ils n’en manquent pas) à l’édification d’une musique d’aujourd’hui que l’on peine à classifier, ce qui est plutôt bon signe. Signalons également que le leader se place sur un pied d’égalité avec ses acolytes, ce qui est plus que louable.

Yves Dorison


www.dejanterzic.com


  BEN GOLDBERG . Everything happens to me

Bag productions Records

Mary Halvorson : guitare
Ellery Eskelin : saxophone ténor
Michael Formanek : contrebasse
Tomas Fujiwara : batterie
Ben Goldberg : clarinettes

Parmi la fine fleur des explorateurs américains actuels du jazz, les cinq musiciens réunis dans ce disque sont de ceux que tout le monde remarque pour leur créativité et leur inventivité (la guitariste et la rythmique forme le trio Thumbscrew). Quelque part entre une musique quasi sacrée, l’ombre du Klezmer, l’innovation ellingtonienne et Ornette Coleman, Ben Goldberg écrit des morceaux qui permettent à chacun des musiciens qu’il a convié à la fête de renforcer librement et avec pertinence son travail de composition. Dans cet album, tout n’est que limpidité et finesse et l’interactivité du quintet atteint des sommets interdits à beaucoup. Sa musique possède des contours nets qui mettent en valeur les sinuosités mélodiques des thèmes et l’on est régulièrement étonné par les biais empruntés. Il nous a semblé que la fertilité imaginative de ce groupe était presque déraisonnable tant elle participe à la cohérence de l’ensemble musical qu’il élabore ; des couleurs et de la texture particulière que ce dernier contient, l’on a notamment retenu une propension à flirter intelligemment avec le décrochage et un désir vif de prospection et d’ouverture à tous les genres. Ces musiciens-là ont de l’or entre les mains, plein la tête aussi, mais ils perdurent dans une quête musicale que rien ne peut entraver. Éblouissant.

Yves Dorison


https://www.bengoldberg.net/home


  DUNE . Voyage au creux d’un arbre

Neuklang

Rafaël Koerner : batterie
Fanny Ménégoz : flûtes traversières

« Voyage au creux d’un arbre ». Le morceau titre de l’album de Rafaël Koerner et Fanny Ménégoz, qui forme le duo Dune, évoque irrésistiblement chez nous le titre d’un ouvrage de Jacques Lacarrière : « le pays sous l’écorce ». De là à affirmer qu’un lien existe entre les deux œuvres, il y a un pas que l’on ne franchira pas. Encore que. Après tout, la vie dans les veines d’un aubier est peut-être aussi sautillante, agitée de rythmes chaleureux et serpentine que cette composition qui, comme l’ensemble de l’album, tire sa sève de joutes joyeusement facétieuses et dénuées d’artifices. Dans ce paysage musical où les mélodies sources de communication imposent à l’auditeur un regard fluctuant, la flûtiste et le batteur dialoguent en confiance sans jamais perdre le fil de leurs mutines élucubrations. Il faut dire que leurs sujets musicaux baignent dans une évidente complicité et que le minimalisme revendiqué du duo s’y prête parfaitement. Comme dans l’aubier (la part activement vivante du tronc), leur échange est fait d’élasticité, d’allers-retours qui nourrissent subrepticement une création suffisamment libre pour ne pas être cataloguée. Nous ne nous en plaignons pas, bien au contraire. Tout ne tourne cependant pas autour de l’arbre dans cet album, ouvert à tous les vents du monde humain, jusque dans leur intimité profonde, qui mérite de figurer sur vos étagères.

Yves Dorison


https://fannymenegoz.com/


  DAHVEED BEHROOZI . Echos

Sunnyside Records

Dahveed Behroozi : piano
Thomas Morgan : contrebasse
Billy Mintz : batterie

Voilà un trio piano / contrebasse / batterie dont la musique aspire l’auditeur, le plonge dans un mouvement de relâchement, voire d’abandon. Entre musique classique (début du XXème, dirions-nous) et improvisation jazz au long cours, le californien Dahveed Behroozi instaute avec ses acolytes (l’excellentissime Thomas Morgan et le méconnu de nous Billy Mintz) un climat général contemplatif rehaussé de quelques éclats de lyrisme débridé. Dans ce disque où le son semble prendre toute la place, la musique vibre et sait se faire hypnotique. La symbiose entre les instrumentistes est patente et le choix du pianiste de se livrer à la découverte de ses propres morceaux à l’enregistrement, dans le studio, accentue grandement le sentiment de liberté qui se dégage de l’ensemble. Les soli pris par Thomas Morgan (avec cette sonorité particulière qui lui est propre) sont un travail de diamantaire hors norme. Quant au batteur, il sait faire preuve d’une légèreté sur les cymbales et d’une précision qui ravissent les sens. Strictement sensoriel (voire multi sensoriel si l’on en croit le pianiste), ce Cd ravira les tenants d’un jazz atmosphérique pétri d’onirisme et de suspension.

Yves Dorison


https://www.dahveedbehroozi.com/


  FRANCOIS HOULE / SALO SALAMON . Unobservable mysteries

Samo Records

François Houle : clarinette
Salo Salamon : guitare

Vous prenez un guitariste slovène basé à Maribor et un clarinettiste canadien basé à Vancouver. Vous les faites jouer à neuf milles kilomètres de distance et vous obtenez ce duo étonnant, « spécial Covid » pourrait-on dire, qui ne manque pas d’attrait. Salo Salamon a d’abord enregistré six improvisations sur lequel François Houle s’est greffé, puis ce dernier a à son tour mis en boite six autres improvisations sur lesquelles le guitariste est intervenu ensuite. De l’improvisation longue distance en fait. Rien moins. Les deux artistes n’ayant jamais joué ensemble auparavant, c’est donc en se connectant qu’ils ont trouvé la connexion musicale qui les unit tout au long du disque. Fouillant de concert les recoins de leur art improvisatoire, le guitariste et le clarinettiste ont élaboré des cheminements que certains pourraient trouver ardus parce que fruits d’une modernité musicienne bien réelle. Il faut donc être attentif durant l’écoute afin de considérer leur nuancier créatif dans son intégralité. C’est à ce prix que l’on découvre toutes les fines saveurs de leur dialogue transatlantique.

Yves Dorison


http://www.samosalamon.com/


  ANTHONY BRAXTON QUARTET . Standards 2020

New Braxton House records

Anthony Braxton : saxophone
Alexander Hawkins : piano
Neil Charles : contrebasse
Stephen Davis : batterie

Quand à l’écoute vous reconnaissez un standard dès les premières mesures mais qu’il vous paraît nouveau, ne vous inquiétez pas, c’est juste Anthony Braxton qui vous démontre une fois de plus à quel point il est grand. Dans sa dernière livraison, le saxophoniste chicagoan (1945) s’attaque (une fois de plus) au great songbook et ne fait pas les choses à moitié : 13 disques dans un coffret, enregistrés en janvier 2020 lors de sa tournée européenne, juste avant que le monde se boucle à double tour. Ce n’est pas la première fois qu’il agit de la sorte : en 1993 il avait consacré un hommage à Parker en 11 disques. Toujours est-il qu’aujourd’hui il offre à vos oreilles gourmandes 67 standards où sa science fait des merveilles. Comme d’habitude me direz-vous. Mais peut-on réellement s’habituer à lui ? A sa présence, oui. Mais sa musique, elle, elle porte en permanence, intrinsèquement, une ou des formes de nouveauté. Ceci est dû aux particularités du vocabulaire musical braxtonien. Qui mieux que lui a su, dans une carrière aussi large que diverse, inventer et réinventer, malaxer et créer, faire naître et renaître, une musique dans laquelle sa personnalité complexe s’épanouit ? Du XXème au XXème siècle, ils ne sont pas si nombreux à pouvoir prétendre à son statut. Ce que l’on écoute dans ces treize Cds, c’est la continuité d’une recherche artistique qui ne cesse de s’approfondir avec le temps. De fait, les standards interprétés, quel qu’en soit les auteurs, sont au final ses standards. Accompagné par trois musiciens anglais en parfaite adéquation avec lui, Anthony Braxton réalise avec les enregistrements de ce coffret un tour de force. Encore un. On ne s’en lasse pas.

Yves Dorison


https://tricentricfoundation.org/


  PAUL LAY . Full solo

Gazebo

Paul Lay : piano

Un pianiste de jazz en solo qui se tourne vers le classique. Quoi, encore du Jean Sébastien ? Non, du Beethoven, merci Paul Lay. Même si je n’éprouve pas un amour délirant pour le déficient auditif de Bonn, il est heureux de le reconsidérer dans un contexte où l’artiste use de son clavier afin de dépoussiérer les lieux communs et autres idées préconçues en offrant au compositeur une sorte de jeunesse retrouvée. Ce qui domine dans cet album, c’est la musique. On entend du Beethoven et du Paul Lay et les deux sont inséparables. On vous épargne le bla bla technique (en fait, on s’en fout) et on vous parle de la fluidité qui parcourt chaque seconde de cet enregistrement, des émotions que les 88 touches procurent, de l’atemporalité des pièces jouées, de leur nouveauté insigne et de la grâce qui les habite de manière subreptice à tout moment. A l’écoute, l’ensemble paraît d’une confondante simplicité, d’une limpidité quasi surnaturelle, et en tout point original. Original, Ludwig le fut en son temps et Paul l’est aujourd’hui (facile) ; les deux mélodistes sur la même scène auraient fait un tabac. Pour une raison obscure d’espace temps incompatible, nous nous contentons aujourd’hui de priser les deux sur le même disque et, bien évidemment, nous vous invitons à nous rejoindre.

Yves Dorison


https://www.paul-lay.com/


  BOB MINTZER . Soundscapes

Jazzline

Bob Mintzer : saxophone ténor, compositions et arrangements
WDR big band Cologne - line up dans le Cd

Le WDR big band de Cologne est un orchestre toujours impeccablement musical et leurs invités ne sont jamais choisis au hasard. Bob Mintzer (1953) le sait bien et le travail qu’il a réalisé pour cet ensemble qu’il fréquente depuis 2016 est du même acabit. Ses compositions complexes, tout comme ses arrangements fouillés, sont un bonheur pour ses acolytes. L’homogénéité est au rendez-vous, l’harmonie et le groove aussi. Dans chaque morceau, des solistes en verve (y compris Bob Mintzer) semblent par moment s’envoler loin au dessus de la nappe musicale de base avant de la réintégrer sans brusquerie aucune. La machine carbure quel que soit le régime, ça roule tranquille, c’est parfaitement huilé. Autant d’apparente facilité, c’est presque honteux. L’esthétique globale du disque est clairement WDR, c’est-à-dire mélodique en toute circonstance et de facto orientée vers le jazz classique (pas ancien) tel qu’on peut le concevoir de nos jours. Il nous a manqué pour parfaitement détendu à l’écoute la petite once de folie qui fait la différence. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour passer à côté de cet excellent disque.

Yves Dorison


https://bobmintzermusic.com/


  THOMAS CHAMPAGNE RANDOM HOUSE . Tide

Igloo Records

Thomas Champagne : saxophone alto
Guillaume Vierset : guitare
Ruben Lamon : contrebasse
Alain Deval : batterie
Adam O’Farrill : trompette

Il y a dans ce quartet belge, augmenté d’un invité de marque en la personne du trompettiste Adam O’Farrill, une pesanteur semblant venir du fond des âges sur laquelle s’appuie la musique pour mieux se lancer à la conquête de courants aériens porteurs. Ces musiciens ne se contentent pas de jouer la musique écrite sur leurs partitions, ils l’habitent. Peut-être est-ce en partie dû au fait que l’album a été enregistré en une journée et qu’une forme d’énergie « live » s’est glissée dans leur jeu. Toujours est-il que la rythmique de ce quintet pousse en permanence dans le bon sens, que le guitariste, au son absolument épatant, permettent aux deux solistes souffleurs de délivrer leur message. L’ensemble est construit et doté d’une forte personnalité qui fait nettement la différence. Sur des ambiances d’une belle épaisseur, introspectives ou non, le flux musical explore savamment des contrées où les mélodies déploient des trésors de sinuosité qui flirtent avec les bordures en déraillant juste ce qu’il faut pour aiguiser l’intérêt de l’auditeur. Resserrée sur trente-huit petites minutes, la musique imaginative de ce quintet raconte une belle histoire, de celles que l’on aime écouter souvent pour s’évader.

Yves Dorison


https://www.thomaschampagne.be/


  GEORGES GERSHWIN . De Broadway au Metropolitan Opera

Frémeaux

coffret de 3 CD, personnel détaillé sur le livret, 220 mn.

Les données biographiques de Georges Gershwin (Brooklyn 1898- Beverly Hill 1937) ont certainement joué un grand rôle dans son rapport au jazz. Il a un an de plus que Duke Ellington et trois de plus que Louis Armstrong, c’est-à-dire qu’il était un adulte quand sont apparus leurs chefs d’oeuvre au milieu des années 20 ; sa propre Rhapsody in blue a été crée en 1924. Il est contemporain de la structuration du jazz et les musiciens qu’il aura entendue dans sa jeunesse ne pouvait être que les pianistes “stride” new-yorkais, les grands orchestres de danse comme ceux de Paul Whiteman ou Jean Godkette ou les musiciens de la Nouvelle-Orléans venus à NYC.

Inventaire :

CD 1- Un florilège de 13 chansons célèbres chantées ou jouées par des musiciens célèbres : 3 pour Chet Baker, 2 pour Billie Holiday et une pour Nina Simone, Sarah Vaughan, Aretha Franklin et Lonnie Johnson, comme pour Erroll Garner, Bill Evans, Duke Ellington et Don Byas et enfin 7 sur 12 titres de la version de Porgy and Bess arrangée par Gil Evans pour Miles Davis.
CD 2 - La version quasi intégrale de Porgy and Bess, telle qu’arrangée pour Ella Fitzgerald et Louis Armstrong par Russell Garcia- il y manque l’ouverture instrumentale et “Here come de honey man- suivies de 4 sur 10 thèmes de ma même œuvre joués par le trio d’Oscar Peterson.
CD 3- Les oeuvres “sérieuses” de Gershwin : An American in Paris, Concerto en fa et A Rhapsody in Blue.
***
Curieusement il n’y a aucune pièce correspondant au titre de ce coffret, aucune chanson chantée comme à Broadway et pas de Porgy comme à l’opéra. Les deux premiers CD sont des disques de jazz.
On relèvera dans le CD1 l’interprétation inhabituelle d’Aretha Franklin de It ain’t necessarily so, le Summertime de Duke Ellington, période “free” -comme on le retrouvera plus tard dans “Money Jungle” ; un superbe Nice work, if you can get it par Sarah Vaughan avec Miles Davis. On se félicitera d’entendre Don Byass, grand musicien un peu oublié. Pourquoi presque tous les disques d’Erroll Garner sont-ils réalisés avec des pianos mal accordés ? Il n’y a aucune faille dans les choix. Si tous les grands interprètes de jazz qui ont joué Gershwin n’y sont pas, tous sont qui y sont, sont de magnifiques interprètes.

Le CD 2 est intégralement consacré à l’opéra Porgy and Bess, qui devait être le centre de ce coffret d’après les compilateurs (Livret p. 3b). La version chantée par Ella et Louis, que l’on entend aussi à la trompette, suit plus ou moins le livret, mais comme les deux interprètes jouent tous le rôles, l’oeuvre est réduite à un ensemble de chansons et ne donnent pas une véritable idée de l’opéra. Tout y est de première qualité. Notons qu’on y entend plus Ella que Louis.

Le CD 3 est consacré à la musique que Boris Vian attribuait à un certain Guère-Souigne... Les trois oeuvres présentées, les plus célèbres du compositeur dans le genre symphonique, ont été enregistrées il y a un demi-siècle et leur interprétation est un peu engoncée. An american in Paris dirigé par Felix Slatkin (le père de Leonard, bien connu des lyonnais) conduisant le Hollywood Bowl Symphony Orchestra est très raide et très éloignée du jazz ; les solos du trompettiste sont au plus loin du son du jazz. Le " concerto en fa” et la “Rhapsodie en bleu” sont dirigés par Georges Prêtre à la tête de la “Société des Concerts du Conservatoire”- l’ancêtre de l’Orchestre de Paris-, avec Daniel Wayenberg au piano, sans démériter pour une musique peu jouée en France en 1960.

En conclusion, nous avons deux excellents disques de jazz, qui montrent la place de “fournisseur de standards” de Gerschwin. La partie “sérieuse” est juste correcte. On regrettera un peu que les choix musicaux n’aient pas suivi un peu le titre, en intégrant quelque extrait d’une comédie musicale et quelques scènes d’opéra.

Philippe Paschel


https://www.fremeaux.com/


  THIERRY ELIEZ . Sur l’écran noir

Label Triton

Thierry Eliez : piano, chant, arrangements
Manu Domergue, Celia Reggiani, Ceilin Poggi, Thomas de Pourquery, Stella Vander, Paloma Padal, Alain Chamfort, P.Prada, Médéric Collignon, JP Natal : chant

Les hommages à Claude Nougaro ne manquent pas. Certains sont bons, d’autres un peu moins. Celui de Thierry Eliez est original et c’est la raison pour laquelle il se démarque aisément du tronc commun. En confiant le chant à différents invités, il donne à chaque titre une couleur particulière. Lui, au piano, les oriente et les soutient. Sans aucune faute de goût, les interprètes épousent le projet, le porte. La musique de Michel Legrand diffuse dans l’esprit de l’auditeur, plus que des airs, cette petite mélodie intemporelle qui a parcouru le vingtième siècle jusqu’à nos jours. Les amoureux inconditionnels du natif de Toulouse seront néanmoins fort marris car bien des tubes manquent à l’appel. Les exégètes quant à eux seront heureux de retrouver des perles du répertoire un peu moins connues mais qui ne déméritent aucunement. Sensible et bien sûr cinématographique, en noir et blanc, comme les touches du piano.

Yves Dorison


https://www.facebook.com/thierryeliez


  LILANANDA JAZZ QUINTET . Phares

Lilananda

Claire Vaillant : chant
Pierre Drevet : bugle, trompette
Francis Larue : guitare
Etienne Kermac : basse
Fabien Rodriguez : batterie, percussions

Actif depuis 2015, ce quintet emmené par Claire Vaillant et Pierre Drevet possède un fort caractère. La chanteuse écrit les textes, le trompettiste signe la musique. L’utilisation de la langue française dans le monde du jazz est quelquefois sujette à caution. Ici, ce n’est pas le cas et elle s’intègre parfaitement dans ce projet que l’on sent construit et parfaitement cohérent. Toujours aérien, le quintet bénéficie du phrasé extrêmement souple de la talentueuse Claire Vaillant (dont les textes sont porteurs de lumière) et de l’excellentissime et virtuose Pierre Drevet qui, au bugle comme à la trompette, impose un ton, une couleur, sans esbrouffe et avec la justesse inspirée qui le caractérise. L’auditeur se laisse prendre aisément par cette musique vivante, ses ondulations et son rayonnement. Sur le seul titre emprunté à Tom Jobim (Chovendo na roseira), un quatuor à cordes intervient de fort belle manière et étoffe le propos. Harmonieux est le mot qui convient à ce quintet où chacun interagit avec précision et retenue.

Yves Dorison


https://www.lilananda.fr/lilananda-jazz-quintet/


  TROND KALLEVÅG . Fengselsfugl

Hubro Records

Trond Kallevåg : guitares, électronique
Adrian Leseth Waade : violon
Geir Sundstøl : guitare, pedal steel, harmonica
David Wallumred : piano droit, Wurlitzer, Arp solus, Clavinet, Minimoog
Alexander Hoholm : contrebasse
Ivar Myrset Asheim : batterie, carillon, percussions, scie musicale et verre

En Norvège, le terme fengselsfugl désigne les prisonniers. Ce disque, le guitariste l’a composé en grande partie dans la prison d’Oslo où il a travaillé et beaucoup échangé avec les détenus. Le résultat, comme pour son précédent album, mérite tous les superlatifs. Cette bande-son mélancolique d’un monde que l’on sait exister mais dont nous sommes plus ou moins ignorants possède les attributs nécessaires pour accompagner un film, un road movie plus particulièrement, et l’on pense immédiatement à Jarmush ou Wenders et à la qualité de leur noir & blanc. Ceci écrit, la musique de cet album se suffit à elle-même. Gorge d’un lyrisme en clair obscur, elle se livre à l’auditeur comme on donne ses états d’âme. Les atmosphères qu’elle investit empruntent au genre Americana et à la tradition norvégienne, plus particulièrement celle du lieu de naissance de Trond Kallevåg. Savant mélange aux saveurs particulièrement fines, la musique de Cd bénéficie en outre d’une instrumentation originale qui offre au compositeur des champs d’expérimentation sonores inhabituels. Il en émerge des paysages teintés d’une nostalgie qui pourrait être celle du prisonnier les contemplant depuis sa prison. Une chose est plus que certaine, Trond Kallevåg est détenteur d’un univers créatif qui n’appartient qu’à lui et duquel sort une musique fascinante, à des années lumières des sentiers battus, suffisamment évocatrice et atemporelle pour convaincre le plus grand nombre (du moins on le souhaite).

Yves Dorison


https://www.kallevaghansen.com/


En écoute ici :
https://trondkallevag.bandcamp.com/album/fengselsfugl


  MASTERS & BARON MEETS BLANTON & WEBSTER

Capri Records

Kirsten Edkins, Jerry Pinter : saxophones tenor et soprano
Danny House : saxophone alto, clarinette
Adam Schroeder : saxophone baryton
Scott Engelbright, Les Lovitt, Ron Stout, Tim Hagans : trompette
Les Benedict, Dave Woodley, Art Baron : trombone
Bruce Lett : contrebasse
Mark Ferber : batterie
Mark Masters : arrangements

Un petit détour par les fondamentaux avec cet album qui reprend dans une veine à cheval sur les époques la musique du Duke des années quarante, quand Jimmy Blanton et Ben Webster jouaient dans son orchestre. Si mark Masters a fait les arrangements, dans le groupe, c’est Art Baron qui mène les débats. Ce dernier, embauché en 1973 par Ellington et ce jusqu’à sa mort, se fait une joie de guider l’ensemble avec le savoir faire des vieux routards du jazz, époque flamboyante. Le swing est là, sinon ce ne serait pas sérieux, et la machine tourne rondement. Le jeu de Tim Hagans à la trompette amène une modernité certaine qui ne dépareille pas sur la dentelle imaginée par l’arrangeur qui, soit dit en passant, démontre une fois de plus un art affirmé de la relecture (nous vous rappelons qu’il s’est déjà attaqué à Dewey Redman, Porgy and Bess, etc…). Ici encore, il brille par une inventivité plutôt classieuse, très américaine, et qui sait prendre le meilleur là où il se trouve. Les instrumentistes sont tous impeccablement en place, la rythmique fait le boulot et, au cas où vous ne le remarqueriez pas, ce big band fait l’économie du piano comme de la guitare. Prenez donc ce A train de première classe. Le voyage n’est pas décevant.

Yves Dorsion


https://www.markmastersmusic.com/
https://en.wikipedia.org/wiki/Art_Baron


  CERAMIC DOG . Hope

Yellowbird Records

Marc Ribot : guitare, chant
Shahzad Idmaily : basse
Ches Smith : batterie

Darius Jones : saxophone (6,7)
Rubin Khodeli : violoncelle (8)
Gyda Valtysdottir : violoncelle (8)
Syd Straw : chant (3)

Le trio de Marc Ribot enregistre depuis 2008. Autant dire que la symbiose est aujourd’hui consubstantielle à la musique que les trois artistes créent ensemble. Dans cet album enregistré en pleine pandémie avec moult précautions, eu égard à la santé du bassiste et multi instrumentiste, Marc Ribot est moins politique que d’habitude. Moins énervé aussi, avec une tendance no wave surgie de son passé. Huit compositions originales et une reprise de Donovan plus loin, on demeure surpris par l’épaisseur de l’univers ribotien et la faculté qu’il peut avoir d’imposer une lourdeur citadine, voire industrielle, d’une noirceur finement irisée de lueurs diverses. Passé 65 balais, Marc Ribot a encore envie de déranger, de pousser dans les cordes la bienséance et ses corollaires. Allant piocher où bon lui semble dans les genres, il synthétise et recrée avec le talent qu’on lui connait. Ce cru 2020 porte les stigmates de son époque étrange sans jamais s’apitoyer, bien au contraire. Laissez-vous contaminer. Mention spéciale à Darius Jones dont le jeu incendiaire fait merveille.

Yves Dorison


https://www.marcribot.com/


  PIERANUNZI / FONNESBÆK DUO . The real you

Stunt Records

Enrico Pieranunzi : piano
Thomas Fonnesbæk : contrebasse

Mais que voulez-vous que l’on vous dise de ce disque ? Eh ! C’est Enrico Pieranunzi ; chaque année on attend paisiblement notre lot d’élégance pianistique. Et là, c’est son second avec l’étonnant contrebassiste danois Thomas Fonnesbæk. Et l’on n’est pas déçu, comme d’habitude. Les deux sont hautement mélodiques, avec un arrière-goût evansien pour le pianiste (d’autant plus c’est un hommage à Bill et un clin d’œil appuyé à Scott La Faro) et une filiation « Nhøpienne » pour le danois. Leur musique, ou leur réinterprétation des standards, coule de source. C’est si facile à écouter que l’on ne remarque pas le boulot qu’il y a derrière, les années d’apprentissage et tout et tout. Leur duo fonctionne dans la sphère réservée aux télépathes du jazz. C’est désespérément précis et chantant. Alors ce qui nous étonne vraiment (et depuis un bon bout de temps) c’est cette complicité mélodique entre deux contrées, l’une méditerranéenne et l’autre septentrionale, qui se complètent et s’enrichissent mutuellement sans heurt et sans à-coup. Y aurait-il donc un spleen transalpin et une emphase nordique que l’on nous cache ? Quoi qu’il en soit, nos oreilles profitent de cette paire musicale trans-générationnelle sans lassitude aucune. Questionnement soudain : Enrico Pieranunzi a-t-il enregistré avec Nhøp ? Avez-vous la réponse ?

Yves Dorison


https://www.enricopieranunzi.it/
https://www.thomasfonnesbaek.dk/


  J.BAKER / B.SANTACRUZ / S.SILVANT . On how may suprising things did not this single crime depend ?

JujuWorks

Jim Baker : piano & ARP 2600
Bernard Santacruz : contrebasse
Samuel Silvant : batterie

Dans la catégorie « outsiders du jazz », tendance « on fait ce qu’on veut et faites pas chier », sous-catégorie « créatifs aventureux », ces trois-là sont plutôt sympathiques. Contrairement à d’autres énervés du jazz, ils ne tonitruent pas et affichent leurs convictions avec la réserve qui sied aux esthètes de bonne compagnie. Avec ce disque enregistré en 2015 à Chicago mais qui ne sort qu’aujourd’hui, on découvre un trio d’improvisateurs qui fusionnent leurs savoirs et leurs désirs au service d’un champ musical exploratoire du meilleur crû. L’utilisation par Jim Baker de ce synthé antédiluvien (sorti en 1971 et modifié jusqu’en 1981) apporte un surcroît d’étrangeté aux audaces des trois protagonistes. Si le cd débute en douceur (c’est-à-dire avec quelque chose d’assez mélodique), la suite est un plus ardue et assez haut placée sur l’échelle des contorsionnistes musicaux, option j’ai rien préparé (enfin je crois), qui s’entendent à merveille pour désarçonner l’auditeur. Heureusement, il faut bien respirer de temps à autre, ils le font, et c’est la raison pour laquelle nous sommes encore indemnes. Mais en bons allumés du jazz, on ne se laisse pas impressionner et l’on est prêt pour un autre rodéo provençalo-chicagoan. Bande de jazzofurieux, on ne se débarrasse pas de nous aussi facilement.

Yves Dorison


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  WEIRD BOX . Radio Paris

Auand Records

Francesco Bearzatti : saxophone ténor, clarinete
Bruno Angelini : piano, rhodes, claviers
Emiliano Turi : Batterie

Francesco Bearzatti a plusieurs visages. Un jour lyrique et acoustique, un autre jour plus électrique et le jour encore après plus électro-aventureux. C’est comme ça depuis toujours. Son « Sax pistols (chez Auand aussi), plutôt furieux, date déjà de 2006.Par contre, un fait demeure : c’est un musicien engagé. Dans ce disque, accompagné par Bruno Angelini et Emilano Turi, l’on baigne dans une forme hybride entre électro, groove funky et autres fantaisies underground, Lui et ses acolytes se rapprochent des radios parisiennes des banlieues défavorisées de la capitale. Le panorama musical que le trio donne à écouter met en valeur les différences et les synthèses qui naissent du multiculturalisme. Tout au long de cet album le trio fait preuve d’une indépendance d’esprit salutaire. Il pratique également de manière persuasive l’art du contrepied et l’on passe d’une séquence expérimentale à une pure mélodie, voire même à une ballade moderne puisée au creux de l’intime. Mais que la musique soit hachée menue ou bien qu’elle s’écoule en nappe, elle touche l’auditeur et le surprend toujours. Au final l’imaginatif flamboyant qu’est Francesco Bearzatti investit avec ses compères un autre monde musical qui nourrit son imaginaire des dures réalités et les transcende. On prend.

Yves Dorison


http://www.francescobearzatti.com/


En écoute ici :
https://francescobearzatti.bandcamp.com/album/radio-paris


  PANAM PANIC . Love of Humanity

Melius Prod

Robin Notte : Rhodes, piano…
Alexandre Herichon : trompette
Lucas Saint- Cricq : saxophone, flûte
Pierre Elgrishi :basse électrique
Tao Ehrlich : batterie
Mattic , Yaomeans : vocal

Reprendre un sample du discours final du « Dictateur » de Ch. Chaplin, cela augure plutôt bien. L’idée est amusante et son traitement réjouissant. Ceux, nombreux, qui ont vu le film comprennent que la voix de l’acteur tient lieu de discours, confirmant, pour reprendre une célèbre formule du maître du suspens, que « les messages, c’est pour la Poste ».
Air plus connu, en revanche, avec le rap associé sur quelques titres. Ainsi deux rappeurs américains Matic et Yagomeans viennent, le temps de deux compositions (respectivement « Chaos » et « What is necessary »), ajouter leur voix à ces jeunes gens, primés au concours national de la Défense (Robin Notte compositeur, pianiste et auteur du projet, Lucas Saint-Cricq saxophoniste) ou habitués des clubs parisiens en compagnie des F.Tortiller, Eric Truffaz… (Tao Ehrlich batterie, Alexandre Hérichon trompette, Pierre Elgrishi basse)
L’ensemble plutôt funky balance bien. Ainsi »Takuya », « Anomalie » avec un trompettiste très en verve, ou bien encore « Fast and Furious » sous les doigts de Robin Notte. Entamée par la voix du comique Chaplin, cette session se conclut avec une voix non créditée au générique (François Mitterrand ?) évoquant la morale en politique, ce qui ne manque de piquant et -ce d’autant- que le saxophone de Lucas Saint-Cricq lui donne tout son relief. Au total, un album qui réserve des surprises.

Jean-Louis Libois
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  ULTRA LIGHT BLAZER . Patience

Veston Léger

Jonas Muel : saxophone, compositions
Edash Quata : MC, textes
Mathieu Debordes : piano
Guillaume Marin : basse
Julien Sérié : batterie
June Milo : chant
Anthony Jambon : guitare

Jazz et rap ou jazz-rap. Rien d’anormal dans ce type d’association qui produit certes des sons nouveaux, un univers musical original et qui, à l’instar du jazz rock, doit pouvoir séduire un public plus large. Tout comme le « sprechgesang » en classique pour certains, le rap peut faire détourner l’oreille. Affaire de goût !
Reconnaissons, néanmoins, les convictions affichées par cette formation qui se traduisent musicalement avec une belle énergie. Et comme il se doit, le saxophoniste et compositeur Jonas Muel ainsi que le rappeur Edash Quata y sont pour beaucoup. La force de frappe voulue des textes, pour qui les comprend, donne aussi parfois un tour démonstratif à la composition (« What is worth ») lorsque les fauves sont lâchés.
On peut ainsi préférer les moments (« Collatéral ») où la chanteuse June Milo impose sa musicalité propre, à l’instar de la flûte de Ludivine Issambourg aux côtés de ce même Edash Quata avec Antilooops.
Pour se convaincre de cet album « Patience » : écouter le premier titre programmatique « Bet », bourré d’énergie jazz avec le saxo lancinant de Jonas Muel et de rap confondus.

Jean-Louis Libois


https://www.facebook.com/ultralightblazer/