| 00- GEORGE CABLES . Too close for comfort
| 01- DENNIS MITCHELTREE . Nevermind the circus
| 02- ROY HARGROVE / MULGREW MILLER . In harmony
| 03- TRIO RHIZOME . A.R.C. en ciel
| 04- LOUIS MICHEL MARION / FRANCOISE TOULLEC . Apocalyptic garden
| 05- DAVID TIXIER TRIO . Because I care
| 06- THE DAVE MULLEN ENSEMBLE . Solace
| 07- WILLIAM PARKER . Painters winter
| 08- WILLIAM PARKER . Mayan Space Station - OUI !
| 09- MICHAEL MANTLER . Coda, orchestra suites
| 10- EVE BEUVENS . Inner geography


  GEORGE CABLES . Too close for comfort

HighNote records

George Cables : piano
Essiet Essiet : contrebasse
Victor Lewis : batterie

George Cables fait partie des discrets du jazz, à tel point que peu de gens connaissent son existence de ce côté-ci de l’Atlantique. Et c’est injuste. Né en 1944, il a trainé ses guêtres avec des gars comme Dexter Gordon, Joe Henserson, Freddie Hubbard, Bobby Hutcherson, Frank morgan, Woody Shaw et, plus encore avec Le génial Art Pepper. La liste n’est pas exhaustive. Vous me direz que tout cela n’est pas très actuel, certes. Mais cela empêche-t-il un musicien d’être ce qu’il est ? A savoir, un pianiste inspiré, très inspiré, qui n’a peur de rien ni de personne et qu’il est toujours bienvenu d’écouter afin de savourer l’étendue de sa classe. Dans cet album en trio avec les fidèles Essiet Essiet et Victor Lewis, il ne déroge pas à sa tradition et délivre un jazz atemporel, pétri de fines improvisations et de swing élégant. Créatif en diable, nanti de cette imagination devant le clavier qui fait toujours la différence entre un pianiste et un pianiste immense, il est, par son art, une personnalité du jazz qui traverse les époques avec une indestructible constance. Il n’y a qu’à l’écoute tout au long de ce Cd pour le comprendre. Appuyé par une rythmique aux petits oignons, il exploite toutes les possibilités offertes par la complicité d’un trio régulier et chaque thème ressemble à une master class. Well done, comme ils disent là-bas.

Yves Dorison


https://georgecables.com/


  DENNIS MITCHELTREE . Nevermind the circus

Patreon

Dennis Mitcheltree : saxophone
Jesse Crawford : contrebasse
Bill McClellan : batterie

Un trio saxophone / contrebasse / batterie, c’est toujours sympa. Dennis Mitcheltree, natif du Wisconsin maintenant basé à Los Angeles, est de ces sidemen à la carrière longue et riche qui, de temps à autre, sort un disque en leader. Généralement, c’est dans ce type d’occasion que l’on comprend quel potentiel il possède et pourquoi on le retrouve très souvent avec des pointures. Dans ce disque, les trois membres du trio qui se connaissent depuis toujours ou presque (on trouve une trace discographique à la fin des années quatre-vingt-dix), fonctionnent en symbiose et créent un univers qui leur appartient en propre et auquel nous n’avons eu aucun mal à adhérer. Aux marges des jazz, entre aujourd’hui et hier, ils déroulent une musique où chacun peut pleinement exprimer son point de vue musical sans nuire aux autres. Un triangle parfait quoi, comme on peut en entendre de temps en temps et sur lesquels notre oreille s’attarde avec plaisir. Vous devriez, vous aussi, être séduits par la cohésion et la musicalité de ce trio. A noter que l’on peut se procurer ce disque uniquement via Patreon.

Yves Dorison


www.dennismitcheltree.com


  ROY HARGROVE / MULGREW MILLER . In harmony

Resonance Records

Roy Hargrove : trompette
Mulgrew Miller : piano

Sur le papier, l’affiche est belle ; un duo atypique entre un trompettiste flamboyant, rompu à tous les genres ou presque, et un pianiste virtuose plus enclin à vivre dans une tradition du jazz élégamment teintée de modernisme ; un showman et un discret. Une chose demeure absolument évidente, ces deux musiciens apparemment opposées ne faisaient que la musique qui leur ressemblait. Et c’est par ce biais qu’ils ont communiqué sur scène en 2006 et 2007. Qu’en est-il alors de ce disque en forme d’hommage ? La musique est bonne, c’est le moins que l’on puisse dire. Elle est même à bien des égards impressionnante. La symbiose entre le pianiste et le trompettiste est patente ; à eux deux, ils donnent une vision commune du jazz qu’ils aiment et c’est épatant. Hélas, l’enregistrement, certainement capté au vol avec des moyens techniques vraiment très limités, n’est pas à la hauteur. C’est bien dommage. Alors même si Resonance Records fait bien les choses, notamment avec un livret dense où témoignent de nombreux jazzmen, cela ne suffit pas. Disons que c’est un témoigne pour l’histoire.

Yves Dorison


https://resonancerecords.org/product/roy-hargrove-and-mulgrew-miller-in-harmony/


  TRIO RHIZOME . A.R.C. en ciel

IMR Records

Claudie Boucau : flûtes, harmonica, ocarinas, appeaux
Richard Héry : batterie, percussions, clarinette basse
Alain blesing : guitare, électronique

S’il y un disque pétri de mélodies intimistes dans cette vitrine de juillet, c’est bien celui du Trio Rhizome, même s’il lui arrive par moment de côtoyer des rivages inopinément libres. Bâti sur un nuancier très vaste, il en appelle à la nature, au blues, au vent qui passe et aux atmosphères discrètement passionnées. D’arabesques en sinuosités, de timbres en silences, il parcourt un espace apaisé et apaisant. C’est une musique qui sied aux âmes contemplatives. Finement ouvragée, elle donne à chacun des membres du trio la possibilité d’explorer son champ propre d’expression afin de mieux construire ensemble les paysages musicaux qui se succèdent au gré des titres. L’improvisation s’y développe (après tout, c’est ça la vie, et rien d’autre) sur des thèmes chantant qui marquent l’oreille. Toujours entre ombre et lumière (à couvert sous les arbres), une forme d’atemporalité nait spontanément à l’écoute des ces pièces ciselées par des mains d’orfèvres. Le rhizome grandit sous terre ; quelquefois des pousses émergent à la surface. Ce sont quelques unes de celles-ci que l’on peut écouter dans ce disque qui devrait en envoûter plus d’un.

Yves Dorison


https://alainblesing2.wixsite.com/mysite


  LOUIS MICHEL MARION / FRANCOISE TOULLEC . Apocalytic garden

CS

Louis-Michel Marion : contrebasse
Françoise Toullec : piano

Dans cet album entièrement né de l’improvisation, deux regards se rencontrent et génèrent des sonorités qui d’emblée installent une climatologie mystérieuse. En trois pièces, la pianiste et contrebassiste construisent un univers beaucoup plus proche de la musique contemporaine que du jazz, certes, mais nous ne sommes pas sectaires. Si un disque porte un projet créatif qui nous interpelle, nous en parlons. Et il nous faut bien dire que ces deux musiciens savent parfaitement créer des ambiances à l’atmosphère lourde lente qui se peuplent d’éclats sonores aux timbres variés. Le jardin apocalyptique du titre, à ce jeu, nous a semblé naître de la profondeur d’un discours secret porté par un souffle contrarié au sein duquel les dissonances clandestines évoquaient une liturgie joliment déviante. Mais ce n’est là que l’appréciation du chroniqueur. Dans ce monde introspectif qui sort rarement d’une ombreuse obscurité, certains d’entre vous n’entreront pas. Ce n’est pas une raison suffisante pour ignorer cet enregistrement.

Yves Dorison


http://francoisetoullec.free.fr/
https://louismichelmarion.wixsite.com/louis-michel-marion


  DAVID TIXIER TRIO . Because I care

Cristal Records

David Tixier : piano, wurlitzer
Lada Obradovic : batterie
Jérémy Bruyère : contrebasse
David Linx : chant

Enregistré en ces temps troubles de pandémie, ce nouvel album du trio de David Tixier est rejoint sur plusieurs morceaux par le chanteur David Linx. Et c’est une très bonne idée, ma foi. Toujours mélodique et complexe dans ses structures, le travail du pianiste prend une dimension supplémentaire dans ce disque, une forme d’ampleur intrinsèque, d’assurance et d’originalité toujours patente. Percussive et prête à s’écarter des lignes, la musique de cet album ne manque pas d’intérêt, ne serait-ce qu’en trio car la maîtrise des trois protagonistes est évidente, tout comme le lien qui les unit depuis un temps certain maintenant. C’est brillant en toute occasion et c’est pertinent. La présence de David Linx permet au groupe d’aborder d’autres sphères. Le chant libre du belge amplifie encore la sensation d’ouverture sur l’inconnu. Son interprétation du « Old man » de Neil Young est à ce titre un bon exemple. Au passage, rappelons que Brad Melhdau avait déjà repris cette chanson par le passé. Quoi qu’il soit, tout dans ce Cd devrait intéresser l’auditeur féru de jazz d’aujourd’hui à bien des égards. On ne saurait trop vous le conseiller.

Yves Dorison


www.davidtixier. com


  THE DAVE MULLEN ENSEMBLE . Solace

Mullsoul music Records

Dave Mullen saxophone ténor & soprano
Jim Seeley : trompette
Jon Cowherd : piano
Hans Glawischnig : contrebasse
E.J. Strickland

Dédicacé à quelques légendes du jazz (Coltrane, Ellington, Monk, Michael Brecker, Rahsaan Roland Kirk…), ce disque fait feu de tout bois. Avec un quintet d’instrumentistes au sommet de leur art, la musique ici jouée emporte tout sur son passage. Dès les premiers instants, on bascule dans ce swing furieux avec des frissons de contentement, ce qui est assez rare pour nous. Chacun des musiciens prend sa part pour construire cette machine à groove passionnante. Entre jazz, funk, R&B et gospel, le groupe s’engage pleinement. Les soli sont d’une très probante efficacité et la rythmique redoutable leur assure une assise solide sur laquelle s’appuyer. La très belle ballade « For Michael » est à contre courant un exemple de souplesse gracile où le son puissant de Dave Mullen s’exprime avec une finesse et une retenue remarquables. Le traitement réservé à « Satin Doll », quant à lui, est épatant. Mais chaque thème abordé dans ce Cd est arrangé avec un goût plus que sûr. L’ensemble du Cd constitue un bon vieux jazz hard bop vitaminé qui fera sourire et vibrer tous les bonnes âmes.

Yves Dorison


http://davemullen.com/


  WILLIAM PARKER . Painters Winter

AUM Fidelity

William Parker : contrebasse, trombonium, shakuhachi
Daniel Carter : trumpet, saxophones alto & ténor, clarinette, flûte
Hamid Drake : batterie

William Parker est-il boulimique ? On pourrait le croire car après la somme de dix disques sortie en 2020, le voici qui publie d’un seul élan deux autres Cds. A soixante-dix ans, il demeure insatiable. Il est même dans une forme de maturité créative totalement époustouflante. Avec ce trio, il creuse un sillon que l’on connait et apprécie, sillon dans lequel tout n’est qu’ouverture, écoute et réactivité. Avec ce type de musicien, les fresques se peignent dans l’instant et s’avèrent souvent étonnante. Cela est en partie dû à la capacité de Daniel Carter et du contrebassiste à changer d’instrument quand bon leur semble. « La musique de cet album est un hommage au flux du rythme en tant que mélodie et pulsation. Elle est imprégnée de joie et de rebondissement, de danse et de battements de cœur. Un clin d’œil à toutes les musiques qui nous ont traversés... ». C’est William Parker lui-même qui le dit. L’on ajoutera juste en quelle estime nous tenons le batteur Hamid Drake ; il démontre dans cet album, une fois de plus, à quel point il maîtrise sa batterie, comme il fait chanter. Impressionnant.

Yves Dorison


  WILLIAM PARKER . Mayan Space Station

AUM Fidelity

William Parker contrebasse
Ava Mendoza : guitare
Gerald Cleaver : batterie

L’électricité est rare chez William Parker. Ce trio où la rythmique est complétée par Gerald Cleaver, poète des fûts, met en avant la guitariste avant-gardiste américaine Ava Mendoza. Pour l’avoir vue sur scène dans un groupe dont elle demeure notre seul souvenir, nous étions intrigués, avant même d’écouter le Cd, de la voir débarquer dans l’univers du contrebassiste new-yorkais. Ce qu’elle apporte en premier lieu, c’est une énergie débordante. Ensuite, c’est son expressivité et les sonorités sauvages qu’elle explore, portée par une rythmique fusionnelle, qui fait la différence. Et quelle différence ! À l’écoute, ce trio vous envoie balader dans la stratosphère avec une puissance assez étourdissante. Les trois ne lâchent rien et surtout pas l’auditeur pris dans les mailles de leur filet. La contrebasse enfle, les rythmes explosent et permettent aux soli de madame Mendoza de filer le parfait amour avec le spatial et l’échevelé. Le trio, à son meilleur, désosse le conventionnel et fait, avec un talent rare, l’apologie d’une liberté musicale qui n’existerait pas sans la nécessaire exigence consubstantielle à ces insatiables défricheurs de territoires musicaux.

Yves Dorison


https://en.wikipedia.org/wiki/William_Parker_(musician)


  MICHAEL MANTLER . Coda, orchestra suites

Ecm

Christoph Cech ; direction
Leo Elbensteiner : flûte
Peter Tavernarooboe, David Lehner : clarinette
Fabian Rucker : clarinette basse
Michael mantler : trompette
Christoph Walder : french horn
Daniel Riegler : trombone
SimonTeurezbacher : tuba
Joanna Lewis, Ulrike Greuter, Diane Pascal, Tomasz Novak, Simon Frick, Maximilan Bratt, Magdalena Zenz, Emily Stewart : violon
Simon Schellnegger, Anna Magdalena Siakala, Daniel moser, Tamara Stajner : violon alto
Asja Valcic, Arne Kircher : violoncelle
Tibor Kövesdi, Philipp Kienberger : contrebasse
Bjarne Roupé : guitare
Maximilan Kanzler : vibraphone, marimba
David Helbock : piano

« La réutilisation de matériaux de mon propre univers musical est, en fait, ma procédure de composition depuis longtemps. Les musicologues pourraient avoir du mal à trouver ce qui, dans ma musique, vient d’où et comment cela a pu être remodelé et recyclé... Presque toujours, lorsque je commence une nouvelle composition, je pars de matériaux issus de travaux antérieurs. Le plus souvent, cette procédure déclenche ou fait naître une nouvelle ligne de pensée musicale à partir de laquelle je peux continuer. » Dixit Michael Mantler. Vous êtes donc prévenus. Rien de nouveau ou presque dans cet album ou la musique du trompettiste est différente voir quasi nouvelle… Ce choix de suites orchestrales pourra séduire les auditeurs qui sont aussi des musiciens. Nous, simples mortels et auditeurs lambda ne sachant décrypter une partition, nous sommes restés malgré nous un peu à côté de ce travail léché, impeccable, mais qui nous a paru manqué de relief, quelle que soit la dramaturgie mise en place. Dommage pour nous, mais nous sommes certains que bien d’autres reconnaitront la valeur de cet enregistrement.

Yves Dorison


https://www.mantlermusic.com/


  EVE BEUVENS . Inner geography

Igloo Records

Eve Beuvens : piano

Le monde de la musique a plus de difficulté à partager la musique avec ceux qui l’entourent qu’un virus. Pour preuve ce disque de la pianiste belge Eve Beuvens tombé dans notre boite aux lettres. La Belgique n’est pourtant pas si lointaine que je n’ai jamais vu sur scène ou, pire, entendu parler de cette pianiste qui a tout pour séduire un large éventail de publics. Bref, dans cet album en solo, Eve Beuvens fait preuve d’une sensibilité fluide. Ses compostions évoque un imagier riche de nuances subtiles tout à fait convaincante. On se laisse prendre par le continuum qui en découle et l’on navigue avec elle dans sa géographie intérieure. Atmosphérique à bien des égards, sa musique parcourt des paysages suffisamment ouverts pour que chaque auditeur y trouve matière à résonance intime. Les contrastes que la pianiste explore se révèlent dans la finesse plus que dans l’éclat et c’est là une grande part de la réussite de cet enregistrement. Les reprises qu’elle s’autorise (Jolene de Dolly Parton ou encore Caravan) sont dans la même veine l’expression d’une personnalité qui s’intéresse avant tout à l’essence de la musique.

Yves Dorison


https://www.evebeuvens.com/