Allez ! Ce n’est pas encore Noël mais on s’en approche à grands pas. Vous trouverez déjà des idées cadeaux dans notre sélection novembresque...
| 00- CANNONBALL ADDERLEY . Live in Paris 1960/ 1961
| 01- EBERHARD WEBER . Once upon a time, live in Avignon
| 02- ALEX RIEL / BO STIEF / CARSTEN DAHL . Our songs
| 03- A.CECCARELLI / P.A. GOUALCH / D. IMBERT . Porgy and Bess
| 04- JUAN CARMONA . Zyriab 6.7 - OUI !
| 05- WILFRIED TOUATI QUARTET . Voyage
| 06- TRIO REVERSO . Live
| 07- THE AMAZING KEYSTONE BIG BAND . Christmas celebration
| 08- REMBRANDT TRIO . wind invisible sweeps us through the world - OUI !
| 09- SIMONE PRATTICO . Oriundo
| 10- GUILLAUME DE CHASSY . L’âme des poètes - OUI !
Frémeaux & Associés, 3 CD, 3 h 31mn.
Julian Cannonball Adderley : saxophone alto
Nat Adderley : trompette
Victor Feldman : piano et vibraphone
Sam Jones : contrebasse ; violoncelle sur CD II, 4, CD III 6 et 7
Ron Carter : contrebasse sur les plages où Sam Jones joue du violoncelle
Louis Hayes : batterie.
« Tant crie l’on Noël qu’il vient »”
François Villon, Ballade des proverbes.
Après la disparition de Charlie Parker, on le déclara le “Nouveau Parker”. Mais qu’y avait-il de commun entre l’Oiseau tragique et le Cannibale débonnaire : la virtuosité instrumentale, le style moderne ? Julian Cannonball Adderley (1928-1975) était un musicien du plaisir de l’instant. Chez Miles Davis (1957-1959), confronté à la volubilité d’un John Coltrane qui traduisait une quête d’impossible, il avait ajouté une certaine inquiétude à sa garrulité, mais son jeu restait le bonheur de jouer, de souigner. En 1961, il est resté fidèle au quintette be-bop : saxe, trompette et section rythmique
Dans ce coffret, il y a trois plages enregistrées à la salle Pleyel, devant un public assez sage, dans un son très compact CD I, 1 à 3). Le reste des plages a été enregistré à l’Olympia devant un public très excité, dans une prise de son large qui reflète l’ambiance du concert. Trois plages ( CD II, 4 ; CD III, 6 et 7) ont un musicien supplémentaire, Ron Carter, à la contrebasse quand Sam Jones joue du violoncelle [RC n’est pas crédité pour CD III, 7, mais c’est Adderley lui-même qui le dit et l’on entend brièvement le violoncelle]. Une section rythmique solide, un Nat Adderley enthousiaste frôlant ses limites, mais sans faute, c’est une musique roborative qui réchauffe en ces jours d’automne.
Un beau cadeau pour les Fêtes.
L’oeil américain
Les trois premières plages du CD I ont été publiées avec trois autres sur un disque Pablo, la marque de Norman Granz, le producteur du JATP au cours duquel elles ont été enregistrées. Peut-être y a-il eut deux concerts ?
Pour les autres plages, il est indiqué pour quatre plages (CD II, 6 et 7 et CD III, 3 et 4) qu’elles appartiennent à un “deuxième concert”. A l’audition, on ne constate aucune coupure dans CDI qui dure donc un peu moins d’une heure. La fin de II (1.11) Adderley indique un court entr’acte. Le CD III dure 1.03. Doit-on conclure qu’il n’ y a eu qu’un seul concert en trois sets [Dans ces mêmes lieux, Lionel Hampton à la tête d’un grand orchestre dont le “Kapelmeister” était Arnett Cobb se déplaçant avec deux béquilles, avait joué trois sets, le concert débutant à 0.30, après le spectacle normal, nous sortîmes bien près de l’aube.] ou manque -t-il la deuxième partie du premier concert ou celui-ci a-t-il été bref ? Dans une collection intitulée "Pour ceux qui aiment le jazz", des extraits de ces concerts avaient été publiés sur un seul CD. Sur Amazon Music, on trouve un ensemble “Live in Paris, Vol. 2 (April 15th, 1961)” qui sépare les pièces en deux concerts. Le premier comprend les pièces du CD I, 4-9, II,1-7 -c’est-à-dire tous les morceaux des CD- plus CD III, 7 (il y a une brève coupure avant ce morceau), en indiquant la présence de Ron Carter. Le deuxième concert consiste en CD III, 1-5. La plage CD III, 6 n’y existe pas.
Il y aurait eu un premier concert de 2.15 et un deuxième de moins d’une heure. Cela peut correspondre à la fatigue des musiciens, mais n’aurait guère été équitable pour le public. Alors manque-t-il une partie du deuxième concert ?
Une recherche facile à faire dans les magazines spécialisées (publicité, comptes-rendus, diffusion sur Europe 1) nous aurait sans doute éclairé.
Philippe Paschel
fremeaux.com/Cannonball.Adderley_Jazz.In.Paris
Ecm
Eberhard Weber : basse
Eberhard Weber (1940) a depuis de nombreuses années un statut particulier dans le monde du jazz. Moins emphatique que la moyenne des musiciens du genre, pour tout dire plus fin et doté d’une virtuosité discrète, il a toujours privilégié une musicalité qui lui est propre. Dans ce concert à Avignon, enregistré en 1994, c’est bien cela que l’on retrouve. Avec une diction mélodique précise, il condense son art du schéma narratif avec un indiscutable brio. Considéré comme un chambriste émérite, il développe des thématiques parfaitement originales depuis toujours et c’est une sorte d’anthologie de son savoir-faire qui définit la ligne directrice de cet album en tout point passionnant où l’on peut écouter certaines de ses compositions les plus connues. De la belle ouvrage, insensible à l’usure du temps, qui nous fait souvenir de la créativité aussi bouillonnante qu’insensée d’une époque passée où d’aucuns pensaient que les rêves pouvaient se réaliser. Non pas que nous n’ayons rien à nous coller entre les oreilles aujourd’hui : c’est simplement différent.
Yves Dorison
https://www.ecmrecords.com/artists/1435045784/eberhard-weber
. Our songs
Storyville Records
Alex Riel : batterie
Bo Stief : contrebasse
Carsten Dahl : piano
Un magnifique trio nordique, avec deux anciens (Alex Riel et Bo Stief) et un presque nouveau (Carsten Dahl), qui s’attaque à quelques standards emblématiques sans omettre d’ajouter des compositions originales et quelques traditionnels, c’est d’emblée intéressant. Et l’écoute ne contredit aucunement cette impression première. Les trois musiciens sont au diapason et leur art s’exprime avec une élégance non feinte en toutes circonstances. Les mélodies sont largement mises en avant avec une finesse tout à fait convaincante, l’écoute entre les membres du trio est parfaite, et il semblera à l’auditeur que c’est la musique qui mène le trio et non l’inverse. Mais c’est ce qui arrive quand des musiciens de ce calibre se concentrent sur l’essentiel, sans jamais en rajouter, en laissant s’épanouir un lyrisme paisible qui convient à l’évidence aux paysages musicaux septentrionaux déployés dans ce très bel album qui donne du temps au temps et des résonances subtiles, fruits d’une excellence musicale indubitable.
Yves Dorison
https://storyvillerecords.com/
Trebim Music
André Ceccarelli : batterie
Pierre-Alain Goualch : piano, claviers
Diego Imbert : contrebasse
David Linx : chant (8)
Ce trio a déjà une décennie d’expérience derrière lui. Il faut bien cela pour s’attaquer à Porgy and Bess, monument Gershwinien s’il en est, d’autant que nombre de grands noms s’y sont par le passé frotter et que certains d’entre eux en ont livré des versions magistrales. Les trois musiciens qui osent cette ré-interprétation ne sont pas des lapins de trois semaines, ils font même partie du gratin français du jazz. C’est pourquoi, à l’écoute, l’on n’est pas étonné de constater que c’est très bon et sacrément bien foutu. Le swing est là, l’interplay fonctionne à plein régime, les solis sont inspirés et en place, bref ça roule. C’est du jazz aux petits oignons qui rend un hommage sincère et fort bien arrangé (qui aurait pu être casse-gueule) à une œuvre incontournable du répertoire. Le disque dans son ensemble est créatif et élégant : la belle version de Summertime proposée le démontre amplement. A écouter bien évidemment.
Yves Dorison
Nomades Kultur
Juan Carmona : guitare
Piculabe, Ana Polanco : chant
Smail Benhouhou : piano
Rachid Zeroual : flûte
Ana Carrasco, Isidro : percussions flamenca
Youcef Grim : percussins orientales
Invités :
Duquenque, El Pele, Youba Adjrad, Kawthar Meziti : chant
Istanbul Strings
Dorantes : piano
Bijan Chemirani : percussions iraniennes
Ibrahim Maalouf : trompette
Wissam Joubra : oud palestinien
Ptit Moh : mandole, banjo
Domingo Patricio flûte
Naseer Shamma : oud irakien
D’origine kurde et persane, Zyriab était un musicien poète qui parcourut presque 7000 kilomètres entre Bagdad et Cordoue ou il créa la première école de musique au monde. Il y mourut en 857. Avec un grand nombre d’invités dont les nationalités marquent les étapes du voyage méditerranéen, Juan Carmona crée un album concept entièrement dédié à celui qui ajouta une cinquième corde et des barrettes à l’oud traditionnel. Sous la forme d’un voyage sonore particulièrement bien produit, le guitariste et ses compagnons de route développent des paysages musicaux où s’empilent, tel un palimpseste, les différentes cultures traversées par Zyriab en son temps. A l’écoute, rien cependant ne permet de le penser tant l’homogénéité de l’ensemble est patente. Aérienne en toute occasion, avec une rare élégance, la musique composée par Juan Carmona (à l’exception d’un titre de Rachid Taha) réalise une synthèse remarquable de raffinement et de poésie de cet univers lointain et pourtant encore très pertinent. Si ce disque en forme d’ode au multiculturalisme est de bon augure par les temps qui courent, c’est aussi et avant tout une belle réussite musicale.
Yves Dorison
Jazz family
Wilfried Touati : accordéon
Xavier Trombini : saxophone soprano
Volodia Lambert : contrebasse
Adrien Leconte : batterie
On le sait, au moins, depuis Claude Nougaro, le jazz et la java finissent par s’apprivoiser et faire bon ménage. « Je me saoule à la Bastille et me noircis à Harlem » ; voilà un bon programme de métissage musical. Pourquoi donc l’accordéon de Wilfried Touati et le soprano de Xavier Trombini ne s’accorderaient-ils pas ? Et la chose va d’autant plus de soi que, le bal ainsi ouvert, le soprano mène la danse dans « Premier métro » après que place ait été faite à un dialogue (forcément) constructif avec la contrebasse de Voladia Lambert pour une « Chute libre » inaugurale et finir par une « jam » en compagnie du batteur Adrien Leconte.
Après un « Premier métro » décomplexé, la course se poursuit entre les différents instruments dans un titre quasi spielbergien « Attrape moi ».
« Voyage » qui donne son titre à l’album est l’occasion de belles envolées improvisatrices de l’accordéon de Wilfried Touati qui culminent dans une « Alerte rouge » composée par ses soins (comme tous les titres d’ailleurs).
Tous titres confondus, ce mariage instrumental réussi ne quitte jamais des yeux l’horizon mélodique ; l’accordéon de Wilfried Touati y veille !
Jean-Louis Libois
Outhere Music
Ryan Keberle : trombone
Frank Woeste : piano
Vincent Courtois : violoncelle
Enregistré en public au Triton (Les lilas) grâce à France Musique, le 13 mai 2021 à la fin d’une tournée durant laquelle les trois musiciens préparaient leur prochain album, cet album témoigne magnifiquement des qualités exceptionnelles que ce trio port en son sein. C’est d’abord un sens rare de la mélodie et, ensuite, une incroyable symbiose musicale entre chacun des musiciens. Tout dans leur musique paraît évident et c’est véritablement un plaisir d’écoute qui laisse des traces mémorielles chez l’auditeur. Savant certes, mais toujours bâti sur une structure lisible par tous, ce disque est un bel exemple de ce que peuvent réaliser des artistes ne se refusant rien ; une merveille. Dommage que cela ne sorte qu’en digital.
Yves Dorison
https://www.youtube.com/watch?v=5M3dXMP_WqU&t=6s
Nome
Vincent Labarre, Thierry Seneau, Félicien Bouchot, David Enhco : trompette & bugle
Bastien Ballaz, Loïc Bachevillier, Aloïs Benoit : trombone
Sylvain Thomas : trombone basse
Ghyslain Regard : flûte, piccolo & saxophone baryton
Kenny Jeanney : saxophones alto & soprano
Pierre Desassis : saxophone alto & clarinette
Fred Couderc : saxophone ténor & clarinette basse
Eric Prost, Jon Bouteillier : saxophone ténor
Thibault Francois : guitare
Fred Nardin : piano
Patrick Maradan : contrebasse
Romain Sarron : batterie
Célia Kameni, Pablo Campos : chant
Bientôt Noël. En attendant que Nils Landgren sorte son énième disque du genre sapinesque avec les boules et tout et tout, c’est l’Amazing Keystone Big Band qui s’y colle. Nous sommes un peu limités sur le sujet mais y a-t-il beaucoup de jazzmen français qui ont fait un album de Noël, qui plus est un big band ? Nobody ? Personne ? Bref, la jeune garde du jazz français qui sévit sous cette bannière et qui s’est déjà fait brillamment remarquer par le passé rejoint le vaste groupe (beaucoup d’amerloques, là-bas c’est un sport national) de ceux qui ont mis le jour de la dinde bien fourrée et de la bûche indigeste en musique. Ave Célia Kameni et Pablo Campos au chant, l’Amazing Keystone big band réalise un album que vous pourrez offrir à vos lardons (les p’tits loups du jazz, ça commence à dater), pourvu qu’il évite le dernier single d’Orelsan. D’une manière générale, l’album est plaisant et bien foutu. Naturellement, ce n’est pas révolutionnaire, mais ce n’est pas fait pour ça. Cela permet cependant de dire à Mariah : tu sais où tu peux te le Carey ton « All I want for Christmas ? » Et c’est déjà pas mal, non ?
Yves Dorison
https://www.keystonebigband.com/
Just Listen Records
Rembrandt Frerichs : piano
Tony Overwater : contrebasse
Vinsent Planjer : batterie, percussion
Voilà un trio néerlandais que nous ne connaissions pas et que nous sommes fort heureux de la découvrir à travers leur… septième album. Le disque est enregistré dans une ancienne église, connue pour sa grande collection d’orgues anciens, et cela s’entend, en bien. L’acoustique est en tout point épatante, ce qui ne suffit pas à faire un bon Cd. Mais pour cela, vous pouvez compter sur le Rembrandt trio, en activité depuis une quinzaine d’années. Leur musique est inspirée et inspirante, emplie d’horizons vastement ouverts sur des mélodies comme on les aime. Aériennes et serpentines, ces dernières se parent de motifs puisés ici et là par des musiciens curieux et se révèlent au final étonnamment homogènes et originales ; le trio convoque ainsi un poète persan du XIIIème siècle, Bach, la Chine, etc. L’auditeur est rapidement capté par l’intimité qui se dégage de cet univers musical particulier qui ne s’autorise jamais la démesure et la fanfaronnade. La grande classe.
Yves Dorison
https://www.rembrandtfrerichs.nl/
Zamora Production
Simone Prattico : batterie
Klaus Mueller : piano, claviers
Essiet Okon Essiet : contrebasse
Eward Perez : contrebasse
Le batteur italien, avec ce disque, offre une vision du jazz actuel de fort belle qualité. Parfaitement entouré, il donne à ses fûts une personnalité riche faite de précision, d’intuition, de dynamique et de légèreté. Et vous savez à quel point les bûcherons de la caisse claire nous insupportent… Ce n’est pas le cas ici et c’est heureux. Moderne et rythmique, swinguante par ici, au contact de mélodies populaires à d’autres moments, sa musique, quelquefois complexe mais sans excès, nous immerge dans ses textures voyageuses sans effort. Rejoint par des cordes sur deux morceaux, le trio fait montre d’un savoir-faire que beaucoup peuvent leur envier. Du jazz contemporain, sans trop de sophistication, Simone Prattico propose le meilleur par le biais de ses compositions personnelles (une reprise de Carmine Coppola complète le disque) equi ne manque jamais de sensibilité et d’élégance.
Yves Dorison
NoMadMusic
Guillaume De Chassy : piano
Elise Caron : chant
Thomas Savy : clarinettes
Arnault Cuisinier : contrebasse
De l’élégance, du raffinement, une ambiance feutrée entre mélancolie et désuétude, de la douceur et de la rondeur, de la chaleur pâle et des ombres moelleuses, des notes qui s’égrènent légères et une voix au grain imperceptible ou presque, des mélodies intemporelles, une langueur pas monotone, un spleen côtoyant le clin d’œil mutin, des textes simples embrassés avec justesse, un continuum musical sans guide où chacun prend sa part, des envolées diaphanes sur la sombreur de l’ambiance, ici un archet et là un souffle, une luminosité poétique (le mot est lâché) propice à l’alanguissement, une clarté d’outre-tombe, du silence entre les notes, du silence entre les mots, une présence indicible baignée de fragilité, des fantômes et des rêves, de l’amour et du désamour, un effacement, une lecture et des improvisations, une rencontre musicale dans l’entrelacs des émotions contradictoires : tout ce qui fait un disque sur « L’âme des poètes », et bien plus encore.
Yves Dorison
https://www.guillaumedechassy.fr/