La longueur des disques dépend-elle de la longueur des jours ? Nous ne nous étions jamais posé la question...
| 00- SAMO SALAMON . Pure and simple
| 01- BERNARD JEAN . Love letters
| 02- JOHN YAO TRICERATOPS . Off-kilter- OUI !
| 03- [FLORENT NISSE & FEDERICO CASAGRANDE .
Samo Records
Samo Salamon : guitare
Arild Andersen : contrebasse
Ra Kalam Bob moses : batterie
Le guitariste slovénien sait choisir ses partenaires. Avec ce trio, il ne fait pas dans la demi-mesure et convoque Arild Andersen et Ra Kalam Bob Moses, rien moins. Le résultat ? Il est à la hauteur de l’attente que ces noms suscitent. Hyperactif, il publie là son quatrième disque de l’année. La musique ? Elle est aventureuse et parcoure des sentes éloignées du mainstream. Dans un morceau légère et aérienne, dans le suivant lourde et distordue, sous la férule des trois musiciens, elle explore en diagonales sinueuses des territoires insoupçonnés, se cherche des buts à atteindre, se construit sur le jeu de chacun des membres du trio. Ce n’est pas du Jimmy Gourley ! (on l’aime beaucoup) Vous êtes prévenus. Pour tout dire, c’est une musique intrigante qui n’appartient qu’au guitariste. Elle se nourrit de bribes mélodiques qui s’assemblent, l’air de rien, jusqu’à former un tout cohérent au sein duquel chaque instrumentiste trouve l’espace nécessaire pour enrichir le propos. Cet album propose une navigation au long cours, une itinérance contrastée sur les voies de la créativité musicale qui ne manque aucunement d’intérêt. Conseillé, vivement.
Yves Dorison
Acel
Bernard Jean : vibraphone (1,3,4), Marimba (2,5), piano (6)
David Bressat : piano (1,3,4)
Perrine Mansuy : piano (2,5)
Voilà un disque paisible, de ceux qui font du bien parce que calme et posé. Ce qui ne signifie pas bien évidemment qu’il ne se passe rien. Le propre de ce type d’enregistrement, c’est la nuance et l’irisation. Alors qu’il soit en duo avec David Bressat ou Perrine Mansuy, cela ne change rien à l’affaire car les deux pianistes maîtrise le sujet chacun à leur façon. Six titres, cinq duos et un solo de piano par Bernard Jean, une composition originale, une autre d’Aldo Romano (encore plus de mélodie, cela ne nuit pas) et quatre standards intemporels, cela suffit à ce disque inhabituellement court (par les temps qui courent) pour vous emporter vers un monde meilleur, plein d’une sérénité béate (que l’on ne trouve plus guère que dans le regard d’une vache qui rumine… pléonasme). C’est fin, c’est subtil, cela s’écoute sans fin. Et puis qui voudrait nier que Old devil moon ou Body and soul sont encore capable d’ensorceler n’importe quelle oreille ? Un beau petit disque de derrière les fagots avec de belles lettres d’amour au jazz.
Yves Dorison
https://jazzsra.fr/author/bernard-jean/
See Tao Recordings
John Yao : trombone
Billy Drewes : saxophones soprano & alto
Jon irabagon : saxophones ténor & soprillo
Robert Sabin : basse
Mark Ferber : batterie
La chance sourit aux audacieux et la musique aussi. John Yao (encore inconnu de nos services) emmène un quintet à trois vents qui ne demande qu’à surprendre l’auditeur. Il y réussit parfaitement d’ailleurs. La musique de ce disque est constituée d’un jazz bourré d’une effronterie énergique et d’une hardiesse impertinente résolument ouverte aux pas de côté. Sur une basse swingante très hard bop, elle se développe joyeusement au gré d’harmonies nettement moins consensuelles et de structures complexes entre lesquelles l’espace est grand ouvert pour l’improvisation. La rythmique s’acoquine avec une liberté d’expression étonnante (Mark Ferber impérial), sans pour autant nuire à la cohésion du groupe, tandis que les deux saxophonistes croisent le fer et le battent avant même qu’il soit chaud. Le leader est donc plus que bien accompagné, on le sent tout au long du cd, et peut laisser libre cours à une verve trombonistique (néologisme à deux balles) interactive et toujours pertinente. Le quintet dans son ensemble est généreux et bluffant et, au final, invente des formes musicales d’un indiscutable attrait. A découvrir absolument.
Yves Dorison
Sense
Florent Nisse : contrebasse
Federico Casagrande : guitare
Deux musiciens qui se sont rencontrés il y a une dizaine d’années décident d’enregistrer un disque avec dix pièces entièrement improvisées, numérotées de 1 à 10, dans lesquelles ils se donnent toute liberté. Cela donne « Flux ». Entre Florent Nisse et Federico Casagrande, l’entente est l’évidence même. L’un donne un côté percussif à son instrument tandis que l’autre l’enveloppe d’échos. Les deux sont en quête de mélodies. Ils tirent sur les cordes, mais la dissonance accouche toujours d’une ligne mélodique originale. Elle est souvent répétitive, plus exactement récurrente, assez pour envoûter l’auditeur et le pousser dans ses retranchements. Inscrite dans la créativité de l’instant et son écoute, elle délivre des flux qui s’étalent ou se resserrent de façon harmonieuse autour de l’idée qui germe. Elle ne se prive jamais d’oser et, si le dialogue peut paraître ici ou là à la limite de la rupture, les deux compères savent rétablir l’équilibre avec brio en trouvant le son et la note qui l’accompagne en les posant à leur juste place. Florent Nisse et Federico Casagrande étaient lors de cette session d’enregistrement, eux aussi, à leur juste place.
Yves Dorison
https://www.florentnisse.com/
https://www.federicocasagrande.com/