Vendredi 23 septembre

En réécoutant sur sa platine les premiers vinyles qu’il avait achetés il y a longtemps, Bruno Angelini eut l’idée de ce projet de racines transatlantiques afin de lier musicalement sa part européenne à cette Amérique que, comme beaucoup, il admire et déteste à la fois, dans cet élan double de fascination / répulsion (somme toute plus ou moins inexplicable) que seul ce pays peut donner et pour lequel chacun s’interroge. Au piano et à l’électronique, accompagné par Fabrice Martinez, trompette et électronique, et Eric Echampard à la batterie, il déroula une liste de titres rendant hommage, dans le désordre, à Rosa Parks, Sitting Bull, le cinéma de Jarmusch ou Lynch (entre autre), Kenny Wheeler, Mal Waldron, Baldwin, Harrison... En bref, un ensemble chatoyant d’influences venues du meilleur de cet état fédéral rarement fédérateur. Quant au concert en lui-même, il fut d’un bloc. Capté de la première à la dernière note, je compris vite qu’acoustique et électronique importaient peu : la musique jouée surpassait tout. De mélodie sensuelle en éclat tellurique, entre harmonie contemporaine et réminiscences afro-américaines, les musiciens me firent passer par bien des états. La frappe dynamique (et élastique) du batteur, jamais lourde et encombrante, le jeu éclectique du trompettiste (la sourdine n’était pas coincée dans le port), s’associèrent à merveille au pianiste et permirent à cette musique ouverte, imaginative, et très aérée de s’épanouir pleinement en conservant toujours la lisibilité des intentions premières ; à vrai dire, j’écoutai (béat) un travail d’orfèvrerie, un bijou d’équilibre à la musicalité phénoménale.

Vint ensuite Hélène Labarrière, son quintet et son puzzle ; cinq titres joués par cinq musiciens, arrangés par cinq autres musiciens absents de la scène, en hommage à cinq femmes, à savoir Jeanne Avril, Thérèse Clerc, Angela Davis, Emma Goldman et Louise Michel. Pour accompagner sa contrebasse, Catherine Delaunay et Robin Fincker aux vents, Stéphane Bartelt à la guitare et Simon Goubert à la batterie, entrèrent avec elle dans cet univers écrit au singulier pluriel, pétri d’improvisation, qui se révéla parfaitement homogène. Chaque instrumentiste apporta sa personnalité et la mit au service du collectif. Leur joie à jouer ensemble habita la musique et ne me laissa pas indifférent. Ce fut sensible, lumineux, coloré et diablement vivant. De quoi clore en beauté le deux cent soixante sixième jour de l’année, jour qui vit naître en 1865 Suzanne Valadon. Pourquoi la citer elle et pas un (e) autre ? Parce que j’aime son vase avec des tulipes (1927). Une raison amplement suffisante, selon moi, que vous n’êtes pas obligés de partager.


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