Écho de deux soirées au festival Marseille Jazz des Cinq Continents dans le délicieux théâtre Silvain. Au menu, entre autres, Dianne Reeves et Chilly Gonzales.
Il y a maintenant 100 ans que le Théâtre Silvain accueille du public dans un coin du vallon de la Fausse-Monnaie attenant à la corniche Kennedy.
À l’extrémité d’un chemin où jardins en partage et autres activités conviviales cohabitent, on pénètre dans la vaste enceinte.
Une infusion du père Blaize est offerte sur un stand où officie le précieux Sqaaly Baba, le tout au profit de SOS Méditerranée Tout indique l’esprit qui prévaut ici et conduit à un bon esprit.
À deux pas de la vaste scène le quartet du pianiste Benjamin Lackner, tout de décontraction s’apprête à ouvrir la soirée.
Ce jeudi 20 juillet notons que les festivités de Marseille Jazz des 5 continents touchent à leur fin, elles ont débuté début juin à Cassis ( "Qu’a vist Paris, se noun a vist Cassis, pou dire : n’ai rèn vist / Qui a vu Paris et pas Cassis, n’a rien vu " : : Frédéric Mistral.
De Benjamin Lackner les spectateurs pourraient retenir qu’il est l’envoyé spécial du label ECM, un soliste en vogue. Les moins mélomanes mais assez vigilants relèvent que la rythmique du germano-américain n’est autre que celle du chanteur Michel Jonasz : Jérôme Regard magnifique contrebassiste et Manu Katché le batteur inouï. L’équipée se bonifie d’une voix singulière : Maciej Obara saxophoniste membre récent de l’écurie ECM.
On mesure la qualité d’écoute qui prévaut à Silvain, gratifié d’un son de dentelle pour près de 2000 personnes assises, d’un piano de concert Bechstein certifiant le standing de la production.
Changement de plateau pour une tout autre destination, celle la diva Dianne Reeves. Dans la foule on aperçoit nombre de chanteuses de qualité que compte Marseille et ses alentours. À l’épicentre sur un fauteuil roulant (petite gène très passagère) la divine Lynda Kent déjà en transe, ne sera pas déçue du récital éblouissant de cette Reine du swing tonique. Un band de fidèles entoure Dianne Reeves où depuis des lustres brille le guitariste brésilien Romero Lubambo, rythmique imparable : John Beasy -piano-, Reuben Rogers -contrebasse et basse-, Terreon Gully -batterie-.
Au milieu du set petit intermède : la minute Rolex !
Dianne Reeves évoque en pause l’implication de la marque de luxe et convie la chanteuse Corréenne Song Yi Jeon, aussi étincelante que la montre qu’elle porte à son poignet.
Message de Paix universelle délivré par Diane Reeves, tout le monde quitte le vallon enchanté la joie au coeur.
Foule populaire des grands soirs ce vendredi, le public massif pour l’inclassable, surtout dans la sphère jazz, Chilly Gonzales, pianiste, chanteur, conteur.
Ouverture en douceur, voyage en Amérique Caraïbe et du Sud, Ana Carla Maza affirme naturellement une identité latine.
Pour rappel, son papa est l’illustre Carlos Maza, petit prodige cubain qui lui aussi peut se produire en solo sans souci. Ana Carla lutine, se plait à maintenir l’éveil de son public, fait pénétrer le Brésil dans son Cuba natal, nous amène dans ses lieux de faveur. Chant et violoncelle lui suffisent à faire tout sonner.
Quand Chilly Gonzales entre en scène dans une tenue qui lui est chère, c’est à dire entre saut du lit et coucher à venir, votre serviteur ne manque pas de se souvenir des performances du clown délirant Jango Edwards, impression renforcée à l’heure où s’écrivent ces lignes.
Chilly Gonzales n’improvise pas au piano pas plus dans la dramaturgie de son spectacle aussi millimétré qu’explosif dans son déroulé.
Ouverture en mode musique de salon : piano, violon, violoncelle, contrebasse. Montée en pression, mise en tension, Chilly Gonzales marquera une pause interrogative, rappelant aux spectateurs qu’ils assistent à un festival de jazz. S’en suis un exposé argumenté sur notre époque qui aurait ignoré le chef d’oeuvre du quartet de Dave Brubeck « Take Five » (signé du saxophoniste Paul Desmond).
Cinq temps plus de ce temps, « Take five » en mode valse à trois temps ? Le band et Chilly se déchainent, puis détonation sur deux temps et final en mode
« It’s wonderful de prendre un bain de foule ».
Allégresse collective dans le vallon où règne une très grande liberté.
Chilly Gonzales : piano / Yannick Hiwat : violon, clavier / Stella Le Page : violoncelle, bongos / Taylor Savvy : contrebasse, basse électronique / Joe Flory : batterie