Quatre disques issus du continent américain et qui explorent tous différents genres avec bonheur.
Cygnus Recordings
Dan Weiss : batterie
Miguel Zenon : saxophone
Matt Mitchell : piano
Entre structures traditionnelles et embardées free, le nouveau disque du batteur Dan Weiss est une quête, comme au bon vieux temps des explorateurs du jazz qui acceptaient d’être vilipendés pour leur abandon des formes classiques. Accompagné par un Miguel Zenon dépourvu de limites et un Matt Mitchell expansif, le leader propose des compositions étonnamment captivantes. Comme mentionné ci-dessus, une double thématique est à l’œuvre d’un bout à l’autre de l’enregistrement : d’un côté des formes classiques, de l’autre des perles free qui scintillent et emportent tout sur leur passage. Ajoutez à cela quelques soli du leader aussi redoutables de finesse que de précision et vous obtenez une sorte d’ovni musical qui se contrefiche du qu’en dira-t-on et que l’on pourrait peut-être résumer en affirmant qu’il vient de nulle part si ce n’est de la tête du compositeur et leader, étant entendu que ses deux complices ne sont pas en reste pour le soutenir dans cette aventure passionnante, débordante d’une énergie salvatrice. On ressent un vrai plaisir à découvrir avec eux les espaces qu’ils arpentent. A ne pas manquer.
Auto production
Julieta Eugenio : saxophone tnéor
Matt Dwonszyk : contrebasse
Jonathan Barber : batterie
Leo Genovese : Rhodes (3.6)
Si l’on excepte l’invité, les protagonistes de cet album sont les mêmes que sur le précédent dont nous avions dit grand bien. Nous en dirons autant de celui-ci car il possède les mêmes qualités. Extrêmement musical, ce trio avec sa leader et compositrice est un modèle d’équilibre. L’interplay est en soi une présence qui s’ajoute aux titres joués tant il est prégnant et définit les enjeux esthétiques mis en place. Pour autant, Julieta Eugenio sort du trio initial ici et là, avec des duos tout aussi musicaux. L’ambiance générale est faite de souplesse car les mélodies sinueuses qui sont développées l’appellent. A l’écoute, l’auditeur navigue avec le trio dans la fluidité d’un voyage intime quasi spirituel. L’ensemble est sacrément bien fait et la jeune saxophoniste imprime la marque de son originalité sur chacun des titres (chacune des rêveries), y compris sur la reprise ellingtonienne finale dont les trois premières minutes en solo ont l’éclat d’une pépite dans l’eau claire d’une rivière.
https://www.julieta-eugenio.com/
Auto production
Sam Wilson : guitare
Geordie Hart : contrebasse
Jen Yakamovich : batterie
Voici un beau disque qui vient de Nouvelle Écosse où réside la guitariste et leader. Accompagnée par un contrebassiste et un batteur, elle propose une musique empreinte de vastitude et de sérénité. Il est dit dans les notes d’intentions que Sam Wilson explore les différences entre les hivers des côtés est et ouest de son pays. Une chose est certaine, elle le fait avec une forme de retenue très aboutie. Dans chaque composition, le swing discret côtoie la forme classique contemporaine de manière très réussie. Dans l’agilité ondoyante, le contrebassiste et la batteuse sont au diapason de la guitariste et ensemble les trois offrent des moments de grâce, aussi paysagère que musicale, plus qu’agréables. L’ensemble conjugue l’immensité des territoires dont la musique nous entretient avec une palette de pastel qui n’ignore pas les teintes sombres. Malgré cela, ou grâce à, l’auditeur pourrait presque croire que les hivers canadiens ne sont que douceur et joliesse. Tantôt, à la guitare électrique, tantôt à la guitare acoustique, Sam Wilson, tout au long du disque, fait preuve d’une expertise narrative tout à fait singulière (qui nous a cependant fait penser de temps à autre à Ralph Towner. C’est assurément une voix originale que l’on aimerait écouter sur scène par chez nous.
https://samwilsonmusiq.com/home
Storyville Records
Adonis Rose : batterie
Gabrielle Cavassa : chant
Ryan Hanseler : piano
Lex Warshawsky : batterie
Adonis Rose est le directeur artistique du New Orleans Jazz Orchestra. Dans cet album avec son trio auquel s’ajoute la vocaliste Gabrielle Cavassa, il s’attaque à l’univers des ballades. C’est donc dans l’intemporalité de thèmes tels For all we know ou bien What are you doing the rest of your life, j’en passe, que l’on est plongés. Nous y avons pris plaisir car il faut dire qu’outre les qualités intrinsèques du trio rompu à cet art jazzy de la finesse ultime, la voix envoûtante de Gabrielle Cavassa nous a convaincus. Son You go to my head est un bel exemple de son talent sensible. Pour un peu, on oublierait presque de parler du trio ; classico-classique en diable, il épouse les contours du genre avec un naturel qui confine à l’évidence. Les notes qu’il faut, pas une de plus, la subtilité d’un swing doux, de l’espace pour respirer et laisser la vocaliste dérouler les nuances langoureuses de son chant, bref tous les ingrédients nécessaires à l’élaboration d’un disque qui n’a absolument rien de révolutionnaire, ce qui est quelquefois reposant, voire réconfortant pour les plus pessimistes des auditeurs, et à coup sûr agréable.