et voilà du jazz comme on l’aime, varié, disert ou économe, mais toujours musical
Corner Store Jazz
Steve Rudolph : piano
Drew Gress : contrebasse
Phil Haynes : batterie
Et qui est le jazzman le plus up to date en 2024 ? Duke Ellington, bien sûr. Pour être honnête, dans ce troisième album du trio Daydream, Strayhorn est également présent. Mais les deux étant liés, c’est bien l’univers ellingtonien qui occupe l’espace musical. Phil Haynes, le batteur et leader (cela s’entend) n’est pas mal accompagné : Drew Gress, tout le monde connaît et il n’y a rien à dire de plus que son nom pour savoir que tout ira bien, Steve Rudolph et son toucher plein de délicatesse est moins connu de ce côté de l’Atlantique, mais en disciple avoué de Bill Evans et avec cinquante ans de carrière, il est parfaitement à sa place dans ce trio. Il est notable en écoutant ces trois musiciens qu’ils ne se satisfont pas d’une simple interprétation et l’innovation étant dans l’Adn du leader (et de Drew Gress itou), ils arrivent à proposer des versions plutôt originales d’où le swing émerge quand c’est nécessaire. Enregistré en concert, ce disque est en tout point remarquable et ne pas l’écouter serait honteux.
Autoproduction
Adam Larson : saxophone
Clark Sommers : contrebasse
John Kizilarmut : batterie
Adam Larson n’est pas un inconnu de l’autre côté de l’Atlantique. Par ici… c’est une autre paire de manches. Toujours est-il que son trio sans instrument harmonique ne manquera pas de vous intéresser par sa fraîcheur dynamique et son audace discrète (mais bienvenue). D’un morceau à l’autre, la cohésion entre les membres du combo est une évidence qui leur donne toutes latitudes pour expérimenter et construire un chemin musical original autant que convaincant. Bien évidemment, c’est savant et, il faut le noter, jamais ennuyeux, bien au contraire. Le contrebassiste, le batteur et le saxophoniste se donnent l’espace nécessaire pour exprimer à l’envi leurs personnalités et ils démontrent que leur mariage à trois est un modèle d’équilibre, basé sur une interaction fine, auquel on adhère avec aisance tant il est musical. L’avenir leur appartient et leur disque mérite vos étagères et autres tiroirs. C’est notre avis.
https://www.adamlarsonjazz.com/
Vision fugitive
Stéphan Oliva : piano
Sébastien boisseau : contrebasse
Trois jours à La Buissonne ont suffi à ce duo arrivé sans thématique particulière pour enregistrer ces « rêves modestes » improvisés. Comme les deux musiciens se connaissent depuis longtemps, ils ont rapidement su s’accorder au présent de l’intuition pour définir les gestes musicaux qui sont la matière première de ce disque aux ambiances variées mais toujours imbriquées dans un continuum mélodique plutôt apaisé. S’y ajoute quelques reprises réinventées, dont le Deadman de Neil Young écrit pour Jim Jarmusch dans son film du même nom, culte selon nous. Tout est parfaitement ciselé, chaque note est pesée, soupesée, et le silence est leur écho. L’aspect composite du disque dont l’ordonnancement a été réalisé après coup, lui donne, allez savoir pourquoi, un aspect « flottant et rêveur » qui « laisse pousser l’herbe sous les pieds » (Chesterton). Un moment de musique rare, à la hauteur du talentueux duo qui l’a créée.
https://www.stephanoliva.net/
http://www.sebastienboisseau.com/
Criss Cross
Antonio Farao : piano
John Patitucci : contrebasse
Jeff Ballard : batterie
Bon, les trois artistes de ce trio n’ont plus rien à prouver depuis un bout de temps maintenant. Le tempérament d’Antonio Farao étant ce qu’il est, la rencontre entre le virtuose milanais et la rythmique américaine haut de gamme ne pouvait donc pas déboucher sur un disque mièvre ou rabougri. Et de fait, cela pulse, comme on dit. La pianiste petersonise son clavier, façon Oscar années Mps, et la rythmique galope avec lui sans se faire larguer. « Tributes », le titre de l’album, ne signifie pas que le leader reprend la musique des artistes auxquels il pense, elle l’inspire juste dans ses compositions (il n’y a que deux reprises). Majoritairement post Hard bop, l’ensemble réserve quelques surprises, notamment avec des plages plus lentes et plus contemporaines où l’immense vocabulaire des musiciens s’exprime pleinement. Pour le reste, c’est toujours fluide et imaginatif, athlétique et même survitaminé, swinguant et lyrique à souhait. De quoi satisfaire les oreilles en mal de puissance musicale échevelée. Impeccable mais épuisant !!!