Quatre disques, quatre ambiances. De quoi satisfaire les uns et les autres
Continuo Jazz
Pierrick Pédron : alto saxophone
Carl-Henri Morisset : piano
Thomas Bramerie : contrebasse
Elie Martin-Charrière : batterie
Commettre une relecture du disque d’Ornette Coleman « The shape of jazz to come » sorti en 1959 pourrait passer pour une gageure ou encore un pari un peu dingue ; Ornette c’est Ornette, n’est-ce pas ? En quartet comme dans l’original mais avec une différente instrumentation, le piano remplaçant la trompette et le cornet de Don Cherry, peut-être pour mieux se tenir à distance avant de plonger, Pierrick Pédron relève le défi à sa manière et l’on peut dire que c’est assez réussi. Virtuose de son instrument et mieux que bien accompagné, il retrouve l’essence musicale du natif du Texas sans le copier pour autant. Cela ne manque pas d’audace, c’est plutôt inspiré et suffisamment imaginatif pour qu’on écoute le Cd sans penser en permanence à l’ancêtre de free. Que ce soit en 1959 ou en 2024, c’est une musique libre pour les adeptes de l’aventure et elle est très sympa à écouter.
http://www.pierrickpedron.com/
Jazz-Quart
Grazzia Giu : compositions, textes et chant
Nico Morelli : piano
Daniel Yvinec : direction artistique, arrangements, contrebasse, basse, pianet, percussions, batterie
En français, en italien ou en anglais, Grazzia Giu nous revient avec un album où, comme dans son précédent disque, elle arrête le temps en plongeant dans l’intime. Et cette flagrante intimité passe par sa voix sans âge, par la chaleur des médiums, par ce grain qui bonifie son chant. Sans afféterie aucune, elle déroule une palette douce amère se nourrissant de poésie, de la poésie s’exprimant dans tout parcours de vie humaine. Le pianiste soutient l’expressivité quiète de la chanteuse et Daniel Yvinec intervient toujours à bon escient pour envelopper sa voix d’une douce chaleur. Mélancolique et apaisant (est-elle apaisée ?), cet enregistrement aux confins du jazz donne à écouter un ensemble mélodique harmonieux. Grazzia Giu écrit la majorité des textes et l’on peut affirmer qu’outre sa voix, elle possède une plume souple et fine. Les reprises sont quant à elles traitées avec justesse. Un beau disque balsamique.
Mack Avenue
Chris Speed : saxophone
Ben monder : guitare
Reid Anderson : contrebasse
Dave King : batterie
Il y a au moins une éternité, voire plus, que nous n’avions pas écouté The Bad Plus. Avec ce nouveau disque ou le pianiste des origines (Ethan Iverson), puis Orrin Evans, sont remplacés par Ben Monder et Chris Speed, ce n’est plus le trio que l’on a connu par le passé sans jamais être totalement séduit. Est-ce mieux ainsi ? A vrai dire, si les musiciens ne sont évidemment pas en cause (ce serait un comble d’oser l’affirmer), leurs choix esthétiques, leurs émotions complexes, nous ont laissés un peu de marbre. Mais ce n’est pas une raison pour les fuir. D’autres oreilles que les nôtres seront à même d’apprécier cet enregistrement à sa juste valeur. Dernier détail : qu’ils s’appellent encore The Bad Plus, au vu de la musique produite, n’est-ce pas user d’un nom connu et estimé à des fins mercantiles ?
autoproduction
Bennett Wood : saxophone
Andrew Ouelette : piano
Bob DeBoo : contrebasse
Joseph Winstein-Hibbs : batterie
Alan Ferber : trombone
Par chez nous, c’est une belle brochette d’inconnus américains qui composent le line-up de l’album. Une raison suffisante pour les écouter car la découverte est souvent la mère de quelques bonnes surprises. C’est le cas ici avec ce combo qui produit un post bop parfaitement moderne et bien senti. Harmoniquement riche et propulsé par un beau swing, les compositions, aux thèmes toujours très mélodiques (dans la grande tradition), font mouche. On se laisse prendre à cette musique très aérée et finement jouée par des musiciens d’un très bon calibre. Les chorus sont au point, les soli bien à leur place. Les angoissés par la radicalité avant-gardiste seront à leur aise à l’écoute de cette galette on ne peut plus classiquement jazz. Nous, on aimerait les écouter avec l’énergie du live car nous les avons trouvés un peu sage en studio. Faites-vous donc une idée.